Concept BioFu(e)ll . origine
Ce projet est avant tout un concept qui concrétise une anticipation de la réalité à « moyens termes » et tente de montrer comment l’architecture peut apporter, prioritairement une vision, voire une piste de réflexion à des problématiques plus larges touchant à la consommation/fabrication de sources d’énergie, l’approvisionnement en nourriture de l’homme, etc.
Ce projet est donc la résultante architecturale d’une réflexion, d’avantage que la caractérisation des besoins et contraintes classiques auxquelles toute démarche de conception est habituée.
La logique de développement durable qui anime ce projet se place essentiellement dans la résolution d’équations non mathématiques et non linéaires, et répond à des objectifs sociétaux et globaux, en ne cherchant à apporter de démonstrations que sur l’opportunité et la « justification » sociétale d’un tel projet.
Il paraît plus évident de décrire l’émergence de ce projet de la manière dont il est pensé, comme un assemblage, l’articulation de principes et de réflexions :
La consommation énergétique actuelle des véhicules représente un problème en termes de ressources (limitées dans le temps) et de production de gaz à effet de serre (parmi d’autres)
Idem pour la consommation énergétique actuelle des bâtiments, un danger non négligeable (actualité japonaise), de rentabilité, etc.
Bien que la technologie avance, devienne plus performante et abordable, il semble improbable que le renouvellement total du parc automobile mondial puisse se faire dans un temps « cohérent» pour basculer d’un mode de consommation à un autre (urgence écologique).
Sur la base du critère budgétaire, cette solution est aléatoire et lointaine, y compris dans les pays ayant un niveau de vie élevé.
Il en va de même pour les bâtiments qui, d’une part ne peuvent être considérés comme un tout uniforme (bâtiments neufs, anciens, à caractère historique), d’autre part comme un bien de consommation courant dont la durée de vie permet un renouvellement relativement rapide (cycle démolition-construction).
La motorisation actuelle des véhicules est en capacité d’accepter des carburants d’origine non fossile.
La motorisation hydride disponible actuellement permet d’envisager une diminution sensible du besoin global en carburant. Cette technologie conduit à un coût d’achat supérieur à un véhicule classique, mais « socialement » supportable car ne conduisant pas à une dégradation de son usage (autonomie), comparativement à une solution purement électrique.
Certains besoins de déplacement semblent ne pas pouvoir être comblés autrement, transport sur route notamment, d’où la nécessité d’évoluer vers une forme d’écomobilité, qui cherche la moindre consommation
Certains systèmes de production énergétique pour les bâtiments sont à même de fonctionner à partir de sources d’énergie végétales (hors brûlage) et représentent une alternative (re)devenue intéressante par rapport aux systèmes fonctionnant l’électricité.
A l’échelle mondiale, la production d’énergie électrique est principalement issue de l’énergie fossile pour un peu plus de 60%, tandis que le nucléaire et le renouvelable représentent le solde dans une proportion à peu près équivalente.
Le besoin en surfaces de culture pour la production de carburants végétaux représenterait un enjeu majeur dans le cas d’une source d’approvisionnement principale, et un problème certain en termes de spécialisation des sols (appauvrissement) et de rentabilité (aléas climatiques).
La substitution d’une agriculture à vocation alimentaire par une agriculture à vocation utilitaire représente déjà un problème car elle conduit mécaniquement à l’augmentation du coût des denrées (principe de l’offre et de la demande), certaines populations, notamment dans les pays du Sud, ne parvenant plus à s’alimenter.
D’un point de vue logique, une agriculture à vocation utilitaire ne trouve aucune justification à exploiter la terre au détriment d’une agriculture à vocation alimentaire, d’autant plus que les conséquences sur l’environnement et la rentabilité d’un tel type d’exploitation ne semblent pas maîtrisables.
La culture en environnement maîtrisé montre des niveaux de rendement largement plus élevés que la culture à l’air libre, particulièrement en hors sol, avec un ratio de 2 à 3 pour 1.
La production de carburant végétal est accessible (déjà actuellement) à n’importe quelle exploitation agricole car ne nécessitant pas d’outil industriel lourd, ni de concentration des moyens de production. La ressource est disponible de manière généralisée à l’échelle mondiale.
Réduire la consommation des énergies passe aussi par un rapprochement des lieux de consommation et de production (risque technologique faible), par un maillage du territoire avec des unités de production.
Le renouvellement du parc construit est une opération lente et couteuse pour les utilisateurs, qui s’inscrit dans une échéance de réalisation différente des nécessités de gestion des ressources, quelle que soit leur nature, auxquelles doit faire face une société.
Mais surtout, à quelques exceptions près, aucune zone bâtie ne semble devoir retourner à son état naturel après avoir supporter une activité humaine. De fait, il faut d’avantage considérer les conditions et justifications à l’implantation d’un bâtiment, et son évolutivité dans le temps, qu’une conception qui place sa déconstruction, son démantèlement, comme préalable à l’acte de conception, sauf certains cas spécifiques.
En clair, le temps d’occupation du territoire par les bâtiments n’a pas, par l’observation, tendance à décroitre, et compte tenu des évolutions normatives, aura tendance à s’allonger continuellement et compenser par l’amortissement des coûts de mise œuvre de plus en plus élevés, car de plus en plus techniques/technologiques et performants.
Le coût d’un tel projet n’est donc pas à envisager sur une période 20 à 30 ans, mais d’avantage sur une temporalité au-delà des 50 ans. Cet aspect trouve une justification dans l’objectif d’utilisation rempli.
La substitution des types d’énergie est un enjeu global qui dépasse les individualités, et doit s’inscrire dans une perspective qui prenne comme point de départ la pérennité du cadre de vie (hors confort), la pérennité des sources d’approvisionnement (eau, air, terre), sans pour autant en négliger le coût à faible échéance. Car il apparaît évident que des solutions dépassant largement les capacités d’investissement détenues par la grande majorité de la population, rendra caduque toute tentative en ne la réservant qu’à quelques philanthropes…
Le principe d’une terre réservée exclusivement à une agriculture à vocation alimentaire doit systématiquement être privilégié.
Le principe de culture doit être respectueux de l’environnement (types et cycles de production), mais également de ses consommateurs à travers une agriculture dite « biologique ».
Le marché du bio doit évoluer en quantité pour devenir majoritaire puis exclusif, en quelque sorte revenir à un niveau de non productif et non extensif.
Le revenu du travail ne peut se contenter d’un mode de fabrication soumis aux aléas climatiques, ni subventionné en permanence, l’évolution d’une politique de soutien n’étant pas (totalement) corrélée aux besoins des populations (notion de marché). En dehors de ces considérations, le rendement d’une culture biologique atteint 97% pour certaines cultures.
La production de carburant végétal (agrocarburant) représente une source de revenue relativement linéaire à moyens termes, si l’on considère les pistes d’évolution des sources de production énergétique renouvelables (solaire, éolienne et autre), pérenne à (très) long terme si l’on estime que dans des conditions de production maîtrisée, elle devient inépuisable grâce à l’appui des sources renouvelables.
Le carburant produit convient aux deux postes de consommations principaux : véhicules et bâtiments.
L’adossement d’une agriculture utilitaire, procurant un revenu certain et linéaire, à une agriculture alimentaire permet une orientation de culture purement « bio » déconnectée du marché, peut conduire à une diffusion large et peu onéreuse de produits de qualité, sains pour l’organisme et l’environnement.
Utilisation des critères durables, pendant le processus de vie du projet :
L’articulation et la synthèse de ces principes se traduit donc dans l’élaboration d’un bâtiment répondant aux objectifs suivants :
Sans être totalement arbitraire, la surface de culture nécessaire est estimée à 10 ha / 100.000 m2, offrant une capacité de production annuelle de 400.000 litres (source : recherches internet et interprétations), soit :
380 véhicules essence, 15.000 kms/an consommant en moyenne 7l/100 kms. ( 7,02l/100 kms en France en 2006)
684 véhicules hybrides (base : Toyota Prius), 15.000 kms/an à 3,9l/100 kms.
80% de la population européenne habite en ville, et 50% des trajets inférieurs à 3 kms. La capacité de production peut donc être portée à presque 1000 véhicules hydrides considérant un fonctionnement principalement électrique.
En France on recense 25 millions de véhicules et 350.000 exploitations agricoles. L’implantation d’une unité sur chacune d’elle permettrait de produire le carburant nécessaire pour l’ensemble des véhicules en circulation.
La densité des unités de production peut-être déterminée en fonction des besoins en consommation de faible en milieu rural à dense à proximité ou à l’intérieur des villes.
Sa nature décentralisée et indépendante du climat n’amène aucune limite géographique d’implantation, si ce n’est la ressource eau. Un mode de culture hors sol diminue de 90% les besoins en eau.
Innovation et intégration :
Le concept BioFu(e)ll est une tour totalisant 50 niveaux de 2.000 m2 chacun.
Le dernier niveau accueille une culture « naturelle » à l’air libre permettant la fixation du carbone participant à la diminution des gaz à effets de serre, notamment en milieu urbain (secondaire).
La hauteur du bâtiment est exploitée pour la production d’énergie électrique, grâce à l’implantation d’une tour aérogénératrice dans le noyau avec une production électrique éolienne (Source : Alain Coustou).
La peau extérieure du bâtiment rendue totalement translucide est constituée d’un vitrage photovoltaïque (couche de capteurs interne au vitrage), constituant la seconde source d’approvisionnement électrique du bâtiment (besoins et capacités de production non vérifiés).
Le noyau central accueille également les monte-charges permettant l’accès des engins de récolte aux différents niveaux, et le passage des réseaux et fluides nécessaires au fonctionnement des installations.
Le profil de la tour, basé sur un enroulement excentré par rapport au noyau, permet une récupération optimale des eaux de ruissellements et de condensation (intérieure et extérieure), chaque niveau ayant une surface de captage d’environ 2.000 m2 dans un plan proche de la verticale.
Le bassin en pied de tour répond également à cet objectif de recueillement des eaux de pluie.
Le principe de construction des niveaux s’appuie sur une ossature en béton haute performance triangulée maintenue en pied et en tête par un anneau du même matériau incorporé au plancher côté façade et un noyau en béton armé de forme ovale en position excentrée.
Les planchers sont constituées de poutre principales en béton haute performance, pour des portées jusqu’à 12m, supportant un plancher béton de type collaborant sur bac acier grande portée.
A l’exception du plancher et du noyau qui sont nécessairement réalisés sur place à l’avancement, l’ensemble des éléments constituant l’ossature peuvent être préfabriqués hors site et amenés à chaque niveau par l’intermédiaire du noyau (section libre ouverte).
La peau extérieure est constituée d’une ossature métallique prélaquée supportant un vitrage technique incorporant une couche de capteurs photovoltaïques et des films de contrôle solaire.
Cette peau est également préfabriquée hors site et amenée à chaque niveau par l’intermédiaire du noyau.
La réalisation du projet s’appuie inévitablement sur de la main d’œuvre hautement qualifiée issue des savoir faire déjà présents dans les filières du bâtiment, ainsi que sur des capacités de production de niveau industriel. Néanmoins compte tenu de la relative simplicité du parti constructif et du faible taux de fabrication sur place, il est envisageable de former une main d’œuvre géographiquement proche spécifiquement à certaines tâches.
La substitution des sources d’énergie ne peut s’affranchir des capacités de production actuelle (cas des énergies fossiles) hautement concentrées, et ne peut trouver un intérêt que dans la multiplication des unités de production à travers un maillage des territoires.
La multiplication des sites de construction, et le nombre limité d’éléments constituant l’ossature de la tour, permettent d’envisager un amortissement à long terme des outils de fabrication et notamment des moules, ceci conduisant à un nombre limité de sites de fabrication à distance des lieux de réalisation.
Néanmoins, cette production hors site, bien qu’absorbatrice d’énergie à travers le transport des différentes pièces, doit permettre d’optimiser les consommations des dites ressources, compte tenu des modalités d’organisation qu’il est possible de mettre en place sur un site industriel comparativement à un chantier de construction.
Concrètement (et sous réserves de vérification), on peut envisager que la somme des consommations d’énergie et ressources nécessaires à la production des éléments construits et leur livraison, soit équivalente voire inférieure à la somme des consommations nécessaires à une réalisation sur chantier, comprenant l’acheminement des matières premières sur place et les cycles accrus de livraison à l’avancement, leur mise en œuvre, les consommations normales, accidentelles et inutiles en cours de réalisation, etc.
Le propre d’un concept est de frôler l’extrémité d’un ensemble de réponses et de solutions, pas nécessairement de constituer un soit une forme de réponse, simplement de maintenir les questions ouvertes…
Concept BioFu(e)ll . origine . 2011 . Olivier ARMAND